Mon papa, il est en Irak, mais mon “papa plat”, il est là
C’est le premier jour de la rentrée et Baylee Smith, 9 ans, veut être prise en photo avec Mark, son père, qui est stationné en Afghanistan avec une unité de la garde nationale. Papa n’est pas là ? Ce n’est pas grave, il y a son double. “Où est Flat Daddy [Papa plat] ?” demande Baylee, tout excitée. Jennifer Smith, sa belle-mère, tire de sa Chevy Blazer une grande photo cartonnée du sergent Smith en uniforme et la pose sur le pare-chocs. Baylee, Alec et Derek, les deux fils de Mme Smith, posent pour la photo avec leur papa plat – qui tombe.
“Arrête, papa, c’est pas drôle. C’est pas une blague”, lance Baylee en riant.
La garde nationale du Maine distribue aux familles des photos en buste grandeur nature de ses soldats déployés à l’étranger. Appelées Flat Daddies ou Flat Soldiers, ces effigies permettent aux familles de garder le contact avec un parent qui se trouve à des dizaines de milliers de kilomètres. On les trimballe partout, aux entraînements de football, au café, aux mariages.
La garde nationale du Maine a distribué plus de deux cents Flat Soldiers depuis le mois de janvier. Les autres unités les recommandent, les familles de tout le pays en utilisent, mais la garde nationale du Maine est la seule à en donner un à toute famille qui en fait la demande.
Les Flat Daddies ont fait leur entrée chez les familles de militaires en 2003. Cette année-là, Cindy Sorenson, de Bismarck, Dakota du Nord, fit poser sur une plaque de polystyrène une photo grandeur nature du capitaine Dave Bruschwein, son ancien mari, affecté en Irak avec la garde nationale du Dakota du Nord. Cette effigie a permis à Sarah, sa fille aujourd’hui âgée de 4 ans, de reconnaître son père quand il venait à la maison en permission. “Elle le voyait sortir de l’avion et disait : ‘Papa, papa !’ Il n’y avait pas d’angoisse.” Mme Sorenson a fait part de son idée à Elaine Dumler, une consultante du Colorado, qui l’a incluse dans un ouvrage sur la façon de gérer les affectations outre-mer. Les familles des membres de la garde nationale ont été réceptives à l’idée, parce qu’elles n’avaient pour beaucoup aucune expérience des longues affectations à l’étranger.
“Ces familles souffrent davantage de la situation, parce qu’elles ne vivent pas sur une base ou dans une caserne, entourées de familles qui savent ce qu’on endure, explique Elaine Dumler. Elles ont tendance à se sentir un peu plus isolées.”
C’est particulièrement vrai ici, dans le Maine, dont les membres de la garde nationale sont affectés au hasard sur des bases réparties dans tout l’Etat. La garde nationale s’efforce d’organiser des fêtes avec les Flat Soldiers et les familles emmènent ceux-ci avec elles aux réunions.
Mme Austin s’est procuré une effigie de Toby, son mari, quand Ayden, leur plus jeune fils, avait treize mois. Le petit garçon reconnaît son père et prend souvent la photo dans ses bras pour l’embrasser. L’effigie de Toby est une vraie personne à la maison.
Les soldats plats sont aussi utilisés par les parents de jeunes soldats. Carol Campbell, d’Anson, dans le Maine, a une version en deux dimensions de sa fille Jessica, 24 ans, qui prend place à la table familiale. Mme Campbell note au dos tous les lieux où sa fille est allée. En juin, la Jessica plate a même chaperonné une soirée à laquelle assistait sa jeune sœur.
“Au début ça peut perturber, mais ça n’a jamais été le cas pour moi, confie Mme Campbell. J’ai l’impression qu’elle est là avec moi. Le Flat Soldier apporte un réconfort, et on en a bien besoin.”